Quand réaliser son autodiagnostic de fatigue ?
Que ce soit en début d’année, ou régulièrement, manager comme collaborateur, nous devons nous poser la question de notre état de fatigue psychique, physique, mentale.
Nous sommes dans un monde VUCA (Volatile, Incertain, Complexe, Ambigu), qui est perçu comme étant de plus en plus anxiogène comme l’évoque le nouvel acronyme BANI (Brittle – Friable, Anxiogène, Non Linéaire, Inconfortable). Ces pertes de repère génèrent de la fatigue.
Pour faire face à ces contextes, étant donné son rôle de « capitaine de navire », le manager a la responsabilité de se poser la question de l’état de fatigue, la sienne et celle de son équipe. Mais il ne doit pas être le seul à se poser la question.
En effet, il n’est pas seul dans l’équipe, chacun doit réaliser son autodiagnostic régulièrement.
Quels sont les signaux d’alerte de la fatigue du manager ?
Ce sont les mêmes signaux d’alerte que ceux qu’on doit observer chez les autres. Il s’agit de petits changements par rapport à d’habitude :
- changements cognitifs (oublis, erreurs, fautes, inattentions…),
- changements d’humeur (irritabilité, démotivation…),
- changements de comportement (agressivité, isolement…),
- mais aussi changements de perception (tensions relationnelles, …).
Ce ne sont pas les autres qui sont devenus « gentils ou méchants », c’est la fatigue physique qui influe sur la fatigue émotionnelle qui elle-même influe sur la fatigue physique. Ce cercle vicieux nous fait percevoir la réalité différemment.
Lorsqu’on ressent de l’abattement, de la démotivation comme dans le cas du « quiet quitting », c’est également lié à la fatigue et amplifié par elle.
Lorsqu’on observe ces signaux faibles, il est urgent de se questionner sur son équilibre.
À quel moment s’arrêter ?
La prise de conscience de l’état de fatigue n’est pas évidente. L’émotion peut nous empêcher d’être objectif sur la situation, on peut minimiser ou dramatiser. Souvent, plus on est fatigué moins on s’en rend compte car on se dit « il faut que je tienne », « je ne dois pas être absent », « c’est dans mon rôle ».
L’entourage, collaborateurs comme famille, joue un gros rôle d’alerte en observant les signaux faibles pour inciter à réaliser son autodiagnostic.
Attention à ne pas trop tirer la corde. Cela arrive très souvent qu’on ne s’arrête pas assez tôt. Plus tôt on s’arrête, moins longtemps on s’arrête. Plus on attend, plus on tient, plus l’arrêt est long et plus le retour est difficile.
Si on se sent épuisé, il est important d’aller consulter sans tarder des professionnels qui vont réaliser un diagnostic.
Et si on se sent obligé de travailler quand même ?
Être accompagné dans ces phases de fatigue par des coachs ou des psychologues du travail qui aident à la prise de recul permettra de ne pas se sentir obligé de travailler, si c’est ce qui est nécessaire.
Beaucoup d’organisations, dirigeants, DRH, sont aujourd’hui préoccupés par la qualité de vie au travail et accompagnent, soutiennent ces arrêts.
Si l’organisation est saine, cette « obligation de travailler » peut venir d’interprétations de notre part, de l’exigence que nous avons vis-à-vis de nous-mêmes, du fait que nous ne voulons pas « abandonner le navire », « laisser tomber l’équipe ».
On ne veut pas renvoyer cette image. On pense que « si on s’arrête, on perd ses compétences, ses qualités ». C’est une question de regard sur soi.
La prise de recul personnel est importante pour arrêter de « tourner dans notre roue de hamster », pour se dégager de la perception de subir, de l’impression de ne pas avoir le choix.
Comment continuer à manager tout en se préservant quand on est fatigué ?
Pour reprendre un peu d’air, la première action est de réorganiser son agenda.
S’arrêter ne veut pas forcément dire prendre 1 semaine ou 1 jour, cela veut dire arrêter de dire oui à tout et s’autoriser à imposer dans son agenda des moments pour soi (comme la séance de sport à laquelle on ne va plus ou un vrai temps de pause du déjeuner).
C’est s’autoriser à s’engager vis-à-vis de soi-même pour inclure des moments où on réactive ses hormones du bonheur : « Qu’est ce qui va me faire plaisir, va me faire du bien pour pouvoir performer sur la durée ? ». Pour certains, cela va être de passer du temps avec ses enfants, pour d’autres ce sera le sport ou la lecture.
Revoir son agenda, c’est aussi tenir compte de son chronotype personnel, certains sont « du soir », d’autres « du matin ».
C’est aussi bloquer des plages longues de concentration pour traiter les dossiers de fond. Face aux sollicitations externes, aux réunions imposées sur ces plages, il est important de se questionner et challenger sa présence : « Quel va être mon rôle ? », « Est-ce que c’est bien à moi d’aller à cette réunion ? Est-ce que je peux déléguer ? », « Est-ce qu’elle doit avoir lieu maintenant ? Quel est son sens ? Est-ce qu’elle peut être reportée ? ».
La 1re action est donc d’écouter son rythme personnel pour mieux performer. L’agenda doit devenir un ami.
La 2e action pour reprendre de l’air est de sortir de l’isolement. C’est dans le collectif qu’on trouve de la créativité, des leviers de ressources.
Qu’est ce qui fait que le manager n’ose pas dire sa fatigue ? Est-ce le fantasme du super-héros ?
Le super-héros est un fantasme imposé par la pression extérieure de la société. La pression extérieure, le regard de l’autre peut amener à se dire : « Que vont penser mon chef, mon équipe, ma famille ? … si je m’écroule »
Scénarios catastrophes, amplification, généralisation sont des réflexes émotionnels et biais cognitifs qui nous amènent à raisonner en « tout ou rien », en dramatisation.
Or, il est humainement normal que notre corps ait besoin de se ressourcer, que notre esprit ait besoin de s’aérer, que nous ayons besoin de retrouver un équilibre.
Lorsqu’il y a trop de stress, trop de pression, trop de cortisol, c’est normal d’avoir besoin de rééquilibrer la balance avec des ressources, du vécu positif. C’est normal, c’est sain, c’est responsable, c’est adulte.
Comme le masque à oxygène dans l’avion que l’on met d’abord sur soi avant de le mettre sur les personnes fragiles, il est important de se préoccuper de soi avant de se préoccuper des autres.
Dans la série des fantasmes qui empêchent le manager de prendre soin de lui, il y a aussi celui du « sauveur » ou « d’être au service de ». En fait, Il y a énormément de croyances qui peuvent piéger, autant que d’individus.
Qu’est-ce que je risque d’un point de vue professionnel si je ne reconnais pas cette fatigue ?
Le risque d’un point de vue professionnel est une perte d’efficacité et de performance, une rigidification, une perte de bienveillance, une dégradation de la qualité relationnelle, qui peuvent conduire à une dégradation d’image, puis de confiance en soi.
Les clés d’Ajadi :
Manager quand on est fatigué nécessite d’oser prendre le temps de s’arrêter pour :
- Repérer les signaux faibles de sa fatigue, se respecter et l’accueillir
- Prendre du recul sur ses engagements, son exigence vis-à-vis de soi-même, et ses « fantasmes » de super-héros ou de sauveur
- Revoir son agenda, identifier et renforcer des moments de bonheur, s’adapter à son chronotype
- Sortir de l’isolement, oser se confier, mettre en place des soutiens
- Redéfinir les règles de fonctionnement avec son équipe pour fonctionner en collectif
Cet article est issu du podcast « Les Pratiques du Management », durant lequel Aurélie Durand répond chaque mois aux questions de Frédérique Roseau, Rédactrice en Chef à la Revue Fiduciaire.