Préserver la santé mentale de son équipe 

Rappels :   

Obligation légale de l’employeur : « Prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de chaque salarié. »

Définition de la santé mentale selon l’OMS : « Etat de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution de la communauté. »

Quelles obligations du manager en matière de santé mentale ?   

L’employeur a une obligation de prévention, c’est-à-dire l’obligation d’assurer un cadre qui garantisse une non dégradation de la santé mentale.

Cependant, ce n’est pas à l’employeur ou au manager, qui ne sont pas des psy, d’être les garants de la santé mentale de l’individu et de résoudre toutes les difficultés.

Celle qui est responsable de sa santé mentale, sous réserve qu’il n’y ait pas de pathologie identifiée l’en empêchant, c’est la personne concernée.

Il y a donc obligation pour le manager d’être en alerte, de repérer d’éventuels signaux faibles, de détecter, d’orienter.

Il y a obligation pour l’entreprise de former, de sensibiliser, d’accompagner : « Qu’est-ce que c’est la santé mentale ? », « Comment peut-on l’entretenir ? », « Comment peut-on en prendre soin soi-même ? ».

Comment poser un cadre favorable à la santé mentale ?  

À l’échelle de la société, nous observons une augmentation du taux d’anxiété, de dépression. L’enjeu dans l’entreprise est d’éviter d’amplifier et accélérer cette augmentation. L’une des causes peut être le cadre professionnel, mais pas uniquement, c’est souvent multifactoriel. L’individu fait face à de multiples préoccupations (le fait d’être aidant, l’inflation…), et là-dessus se rajoutent une perte de sens au travail, des allers retours télétravail/pas télétravail, l’accélération du digital, le stress de l’information en continue. Nous subissons énormément de surcharge mentale.

Dans ce contexte, le manager a la responsabilité de faire tourner une équipe, avec une charge de travail à réaliser. L’entreprise est responsable de la charge de travail, c’est à elle de s’assurer qu’elle met bien à disposition les moyens, les ressources, en face des objectifs qu’elle fixe.

La surcharge mentale d’un collaborateur peut être liée à la charge de travail, mais également à un manque de perception de sécurité psychologique. Cela veut dire que le manager doit pouvoir permettre un cadre sécurisant. 

Pour autant, un cadre sécurisant ne donne pas l’autorisation de tout faire, c’est un cadre dans lequel chaque individu peut exprimer en toute liberté et sans jugement qui il est, c’est-à-dire que « je peux être qui je suis en présence des autres ». 

Le manager doit aussi s’assurer que les objectifs, les rôles et les responsabilités sont clairs et si ce n’est pas le cas, ce qui arrive souvent dans les organisations matricielles, que cela soit reconnu, qu’il y ait du soutien, de la co-réflexion, des temps de partage pour que l’individu ne se sente pas seul avec ses problèmes.

Comment détecter qu’un salarié est, à un moment, fragilisé ?   

Lorsque le manager a un doute concernant la dégradation de l’état de santé mentale d’un collaborateur, qu’il écoute son intuition ! Il a dû observer, sans l’avoir forcément conscientisé, quelques signaux faibles ou d’autres membres de l’équipe l’ont alerté.

Il y a des signaux relationnels par exemple « il/elle rigole moins », « il éteint plus souvent sa caméra en visio », « le collectif c’est moins son truc », ou dans le lien à l’autre avec plus de susceptibilité, moins de tolérance à des remarques, une tension qui s’installe.

Il peut également y avoir des signaux d’ordre cognitif, comme des erreurs, des oublis, une désorganisation ou surorganisation qui ne sont pas habituels.

Il y a aussi des signaux physiques : une personne se plaint d’avoir plus mal à la tête, d’être plus frileuse, dit avoir du mal à dormir…

Dans tous les cas, il s’agit d’un changement de comportement, de réaction qui surprend et qui dure.

Cela ne veut pas dire systématiquement que la personne a un problème de santé mentale, mais il faut se questionner et l’interpeller. 

C’est très important que l’on prenne en compte la santé mentale. Depuis très longtemps, on la mettait de côté, on n’en parlait pas, avoir des problèmes de santé mentale c’était « être fou » ou « être faible ». Et malheureusement dans l’inconscient collectif en termes d’image c’est encore stigmatisant. Or, il est important que la parole se libère sur ces difficultés, ce sont des handicaps non visibles. On ne s’est pas cassé la jambe, mais on s’est cassé le moral. C’est grave, important et handicapant.

Lorsqu’on observe des signaux faibles, cela ne veut pas dire qu’il y a forcément un problème de santé mentale, mais la personne est a minima en difficulté avec une surcharge mentale, émotionnelle et une balance du stress en train de déraper. Face à cette personne, il est important d’être dans une position d’écoute, d’attention, d’accueil et surtout d’ouverture : « J’ai observé un certain nombre de choses qui me laissent penser qu’il y a quelque chose qui ne va pas en ce moment, qu’en est-il ? ». En retour, la personne est libre de répondre ou de ne pas répondre. 

Comment faire en tant que manager pour aborder la question de santé mentale avec un collaborateur ?  

L’entreprise, et donc le manager, ont une obligation de trois niveaux de prévention. Le manager a l’obligation d’agir.

Dans le 1er niveau, le manager donne de l’information, sensibilise, transmet de la formation à ses collaborateurs pour qu’ils soient à l’écoute de leur balance du stress et qu’ils s’expriment, alertent : « Il y a ça qui ne va pas, comment est-ce que l’on peut faire ? ».

Ceci permet, 2e niveau, d’ouvrir un dialogue pour voir quelles sont les modalités d’adaptation du poste de travail qui sont envisageables. Et puis lorsque la difficulté est survenue, lorsque qu’il s’agit d’organiser le retour au poste de travail, on est sur le 3e  niveau.

Un collaborateur peut ne pas avoir envie de parler de ses difficultés, ne pas souhaiter que cela soit abordé. Même s’il y a un climat de sécurité psychologique, dans ces moments-là, le manque de discernement, l’envie de garder sa difficulté pour soi, le souhait de ne pas déranger, la peur de la réaction de l’autre, peuvent apparaitre. La surcharge émotionnelle peut empêcher l’objectivité.

Mais le manager, dans son rôle de prévention et parce qu’il a aussi la responsabilité de la dynamique d’ensemble de l’équipe (quand un des collaborateurs va moins bien, cela impacte souvent l’équipe), a la responsabilité de prendre ses observations en compte, de nommer, orienter et alerter. Par exemple, il peut dire « Je vais remonter ces observations aux RH pour qu’ils t’orientent » ou « Qu’en est-il toi de ton côté ? Es-tu soutenu ? As-tu contacté la médecine du travail, un professionnel susceptible de t’aider ? ».

Il a pour responsabilité de nommer des observations qui l’interpellent, qui l’inquiètent, d’avoir un échange pour voir si son collaborateur a des ressources à sa disposition ou en tout cas pour l’informer des ressources que l’entreprise met à sa disposition comme des cellules d’écoute, la médecine du travail, des assistantes sociales, les RH. Ce n’est pas le manager qui va prendre en charge mais il prend en compte et oriente. 

Généralement les managers sont formés et accompagnés pour détecter, avoir les éléments de langage et savoir être le relais vers les cellules internes ou externes.

Et si c’est le mode de management du manager qui met une pression ou une tension ? 

On a tous des personnalités, des rythmes et des énergies différentes qui font qu’on peut mettre la pression à l’autre sans le souhaiter ou s’en rendre compte. 

Par exemple, si on est un manager ou une personne orientée solution, qui parle vite, beaucoup, qui est dans le : « on y va, on y va tous ensemble » et qu’en face de lui son équipe a plutôt besoin de silence, de structure, d’y aller étape par étape, cela va coincer.  

Autre exemple, quelqu’un qui est très sensible au détail, cela peut devenir fatigant et stressant pour des personnes qui ont plus de mal à se concentrer. 

Ce qui est important c’est que le manager sache avoir conscience et prendre du recul sur l’effet qu’il produit chez les autres par son comportement, par son enthousiasme naturel ou par son besoin de contrôle.  

Mais c’est aussi au collaborateur de comprendre le chemin qu’il doit parcourir lui aussi, à partir du moment où la demande d’énergie ou de contrôle a du sens.  

En fait dans ces contextes de personnalités différentes, il y a un dialogue qui doit s’installer : « Ok on est différent, toi t’es plutôt qualité, moi je suis plutôt quantité. Comment fait-on pour travailler ensemble ? ». 

Comment le manager peut assurer un « bon retour » au collaborateur dans l’équipe ?  

Pour préparer le retour, le manager doit prendre du recul pour ne pas se laisser envahir par ses émotions ou son jugement et aller chercher le soutien des RH pour définir la bonne procédure de reprise. Le manager n’est pas seul sur ces sujets de santé mentale, le binôme RH/manager est important.

Généralement, au retour il y a un entretien avec le collaborateur pour savoir sous quelles conditions se fait la reprise. Par exemple, si c’est un arrêt qui a été long, il y a peu de chance que le collaborateur revienne à temps plein donc il y a forcément une adaptation de son poste de travail. Il y a aussi la question de la communication à l’équipe, en accord avec le collaborateur.

Au moment du retour, certains collaborateurs veulent revenir comme si de rien n’était, là où d’autres veulent revenir pas à pas, ou encore d’autres ne souhaiteront pas parler car pour X ou Y raisons ils ne se sentent plus en sécurité dans le cadre relationnel de l’entreprise.

Le manager face à cela ne doit pas prendre les choses pour lui.  Il doit toujours se questionner sur sa responsabilité et son rôle, qui est d’assurer un cadre qui permet au collaborateur d’exercer son travail, pour lequel il est en contrat, dans de bonnes conditions. Et ces bonnes conditions, elles varient d’un contexte à l’autre. C’est variable d’un collaborateur à l’autre, d’une entreprise à l’autre, cela nécessite un dialogue et cela se questionne, prépare, anticipe avec les RH. 

Être confronté à une problématique de santé mentale n’est pas simple. La clé est d’accueillir l’autre, et d’accueillir cette situation, soi, dans son ressenti et ses limites.

Dans ce contexte, le manager ne doit pas rester seul, les RH peuvent aussi le soutenir et l’équipe est autant concernée. C’est ensemble que la problématique peut être dépassée.

Lorsque nous voyons quelqu’un proche de nous qui décroche, humainement nous sommes tous touchés par cette souffrance. Mais attention, il faut que chacun reste à sa place. Nous ne sommes pas là pour prendre en charge. Nous ne sommes pas des sauveurs. Nous sommes là pour prendre en compte et faire en sorte que la personne puisse trouver les ressources d’experts adéquats comme les psychologues du travail, les coachs, les médecins dont c’est le rôle.

Enfin, n’oublions pas que les managers font partie des catégories qui sont les plus touchées par les risques psycho-sociaux, donc en 1er lieu, il faut qu’ils pensent à prendre soin d’eux et à observer les signaux faibles chez eux aussi. 

Les clés d’Ajadi 

Etre confronté à une problématique de santé mentale n’est pas simple et cela concerne l’ensemble du système : entreprise, manager, équipe, collaborateur.  

Les clés sont :  

  • Avoir conscience du périmètre de son obligation légale  
  • Poser un cadre sécurisant pour soi, pour l’autre, pour l’équipe 
  • Observer et détecter les signaux faibles de risques de dégradation 
  • Installer un dialogue  
  • S’entourer des RH et d’experts pour prendre en compte et passer le relais 
  • Prendre du recul sur ses émotions, biais cognitifs pour rester dans son rôle 

Cet article est issu du podcast « Les Pratiques du Management », durant lequel Aurélie Durand répond, chaque mois, aux questions de Frédérique Roseau, Rédactrice en Chef à la Revue Fiduciaire. 

Envie d'aller plus loin avec Ajadi ?