Quelles attentes émotionnelles piègent le dirigeant ?
Le dirigeant, manager est sur tous les fronts, et il en oublie un point crucial pour performer sur la durée : se ressourcer.
Le dirigeant doit prendre de la hauteur pour diriger. Et pour ce faire, il doit s’occuper de lui pour pouvoir garder son discernement.
Hors, très souvent, les dirigeants se questionnent sur ce qu’ils peuvent faire pour leurs équipes avant de se préoccuper d’eux.
Souvent le dirigeant se charge la barque sur son rôle, avec des attentes émotionnelles qu’il se fixe ou qu’il perçoit et qui l’empêchent de se ressourcer.
Trop souvent le manager/dirigeant est positionné comme celui en charge, comme on peut avoir la charge d’une famille.
Prendre en charge son équipe c’est un contrat émotionnel. Il n’a pas à « prendre en charge ».
Une entreprise n’est pas une famille.
Une entreprise est régie par des rôles et des responsabilités, que chacun doit honorer, où chacun a une place à tenir au service de l’efficacité collective, où chacun est un acteur responsable, qui doit prendre du recul sur ses propres émotions. Ce qui n’empêche pas d’y avoir des relations humaines de qualité.
Le rôle du manager/dirigeant est de donner du sens, d’orchestrer, de piloter, de décider, de développer ; pas de prendre en charge.
Le manager, dirigeant qui « prend en charge », ou les collaborateurs qui attendent beaucoup de leur manager, ne sont pas dans la dimension qui permet de se redonner de l’énergie. Ils vont s’épuiser dans des jeux de postures contre-productifs.
Chacun est responsable de lui-même, chacun est co-responsable de l’efficacité du système.
Nos représentations de nos organigrammes en système hiérarchique n’aident pas, il serait intéressant qu’un jour les représentations en système organique, cellulaire, soient utilisées ; cela permettrait de remettre chaque acteur au même niveau.
Les incantations aux modes managériales n’aident pas non plus.
On tombe dans le piège de dire ce que le manager doit faire pour être un « bon » manager, cependant cela prive l’individu, dirigeant comme collaborateur, de son discernement et de son libre arbitre dans le contexte qu’il vit. Elles partent toutes d’une bonne intention, mais elles sont malheureusement infantilisantes et normatives, elles entretiennent le fait que tout vient du dirigeant, ce qui ajoute une couche de pression supplémentaire.
Qu’en est-il du sentiment de solitude du dirigeant ?
Se dire seul et se penser seul en charge, c’est être « sous » pilote automatique. Ceci est un ressenti, c’est-à-dire que c’est une représentation mentale, un piège émotionnel, qui peut amener à de l’hyper action type warrior, puis à de l’épuisement ; ou qui peut au contraire amener à du désinvestissement de son rôle face à l’ampleur de la tâche, enfin, dans les deux cas avoir la perception d’agir seul.
Souvent un dirigeant, un manager, dans son rôle de leader, vis-à-vis de son équipe s’interdit de montrer ses failles et veut garder le contrôle. Cependant, cela peut l’amener à adopter une cuirasse qui le coupe de lui, des autres.
Ce n’est pas à lui de tout porter, ajuster, modifier en premier. Tout peut se faire en équipe, lui inclus dans l’équipe bien sûr. Il n’est pas « au-dessus », mais intégré à l’équipe.
Il y a aussi le fait que l’être humain, dirigeant ou pas, n’aime pas demander de l’aide, c’est perçu comme une faiblesse ou alors on ne veut pas déranger les autres qui ont aussi leur lot de problèmes. Donc le dirigeant s’empêche de le faire.
Mais un dirigeant/manager n’est pas isolé. Il a son équipe, ses proches, ses pairs, des experts.
La question est de faire état de ses difficultés objectives et de s’appuyer sur la co-responsabilité pour trouver une solution qui convienne à tous.
C’est un gage de confiance en soi et en l’autre qui permet de récréer une émulation collective et de redonner de nouvelles marges de manœuvre à l’ensemble de l’équipe.
Comment le dirigeant, le manager peut maintenir son energie managériale ?
La première étape est qu’il puisse prendre du recul,sur les attentes émotionnelles pour sortir de la confusion et se réaligner. C’est ce questionnement qui lui permettra d’identifier le bon plan d’actions pour performer sur la durée.
Quel est mon rôle ? De quoi ai-je besoin pour le tenir ? Quel est le rôle de l’autre ? De quoi a-t-il besoin pour le tenir ? Quelles sont mes responsabilités vis-à-vis de moi, du business, des relations ?
Et du coup, quels sont mes pièges cognitifs, mes émotions qui m’empêcheraient de les tenir sur la durée ? Est-ce que je veux me laisser piloter par ces pièges ou pas ? Est-ce que j’en assume les conséquences ? Que puis-je mettre en place, qui réponde à l’ensemble des enjeux de mon rôle et à mes besoins ?
Les réponses sont singulières en fonction de chaque contexte. Il n’y a pas une posture unique, normative à tenir.Il y a à se questionner sur la posture adaptée pour tenir son rôle en fonction de son contexte et à assumer les conséquences positives et négatives de celle qu’on choisit.
Retrouver de l’énergie, c’est être au clair sur son rôle, accepter le champ des contraintes, arrêter de se battre contre pour faire avec, sortir de ses pilotes automatiques, ceci afin de mettre en place le bon plan d’actions pour prendre soin de soi.
La deuxième étape est d’agir pour ne pas être seul au lieu d’agir seul ! Et de facto, faire l’expérience qu’il n’est pas seul !
Il peut s’appuyer sur tous les groupes de codéveloppement entre pairs proposés par les réseaux de dirigeants ou les RH. Dans ces groupes de partage, il peut trouver du soutien, bénéficier de l’expérience de ses pairs, retrouver des solutions, des marges de manœuvre, de l’énergie.
Il peut solliciter l’accompagnement d’un coach. Et il peut aussi signifier cette perception de solitude et la formuler à son entourage. C’est un individu comme un autre !
Si on reprend notre image d’une organisation organique et non hiérarchique, un dirigeant pourrait exprimer à son équipe qu’il a besoin de son aide, qu’il a besoin de se ressourcer.
La troisième étape est de prendre soin de lui. Et ce n’est pas égoïste.
Prendre soin de soi est assimilé dans nos représentations éducatives comme étant individualiste. Mais cela faux. Prendre soin de soi, n’empêche en rien de prendre soin des autres. Ce n’est pas tout ou rien. Et comment prendre soin des autres, c’est-à-dire être attentif à leurs besoins, et non les prendre en charge bien sûr, serait-il possible si nous ne sommes pas nous-mêmes attentifs à nos propres besoins ?
Il y a une image assez classique qui est employée par les coachs et formateurs, c’est la consigne du masque à oxygène donnée dans les avions. Que nous dit cette image ? De mettre le masque à oxygène sur soi, adulte, avant de le mettre à l’enfant.
Donc, pour se redonner de l’énergie, il s’agit de s’écouter et de pouvoir s’exprimer, agir, selon ses besoins tout en tenant compte de l’autre.
C’est le principe de se mettre le masque à oxygène en premier. Donc de repérer les signaux faibles quand on manque d’air.
Comment prendre soin de soi ?
Le dirigeant doit reconnaître son besoin de se ressourcer.
Il est souvent addict au travail, ultra-engagé dans son projet qui peut être aussi sa passion, voire extrêmement impliqué émotionnellement, car la sécurité financière de plusieurs personnes est en jeu. Mais il doit reconnaître son besoin de se ressourcer pour tenir sur la durée. S’y autoriser pleinement. S’en donner les moyens.
Un dirigeant est souvent assimilé à un sportif qui fait un marathon et non un sprint.
Cela nécessite qu’il mette en place les techniques de performance sportive.
C’est-à-dire : être au clair sur son objectif, se préparer, se concentrer au moment du challenge, récupérer.
La préparation et la récupération sont clés dans sa performance.
Et la récupération se prépare, il doit l’organiser dans son agenda comme dans les règles de fonctionnement collectif de son équipe, ou dans l’organisation de sa délégation. Il n’est pas seul.
S’imposer toutes les 1 ou 2 semaines dans son agenda, une prise de recul avec une personne extérieure, non impliquée émotionnellement dans la situation (un coach, un RH, pair) pour expliquer, verbaliser le contexte, identifier les émotions en jeu et analyser au regard du rôle, les conséquences positives et négatives, court terme/moyen terme des comportements adoptés en pilote automatique. Généralement ce questionnement redonne une prise de hauteur et permet de déterminer un plan d’actions adapté pour éviter/dépasser l’épuisement.
Les plans d’actions peuvent être divers. Ils peuvent aller de l’installation de nouveaux comportements relationnels avec son équipe, comme déjà évoqué, jusqu’à la mise en place d’une nouvelle hygiène de vie.
C’est-à-dire respecter ses propres droits au repos, week-end, déconnexion. Et se ressourcer en permettant à son cerveau de se reposer dans des activités où il est juste physiquement présent. C’est le but de la méditation, mais si on n’en n’est pas adepte, cuisiner, jardiner, jouer avec ses enfants sont aussi des activités où on centre l’attention sur le présent. S’évader, physiquement à travers la marche, le sport, ou dans des lectures, activités artistiques, sont aussi des clés.
Souvent les dirigeants savent tout cela, mais ils font sauter les créneaux de leurs agendas. Or quand les signaux faibles sont là, il est urgent et important de reprioriser ces créneaux !
Quels sont les signaux faibles d’épuisement ?
Ces signaux peuvent se repérer sur trois plans :
- intellectuel : type une désorganisation, difficulté à prioriser / décider, oublis.
- émotionnel : irritabilité, abattement, ruminations par exemple.
- physique : mal au dos, mauvais sommeil, mal à la tête, prise de poids.
En fait, il s’agit d’un changement constaté par rapport à ses habitudes. Si ces signaux apparaissent, il est urgent de prendre le temps de faire un arrêt sur image, pour prendre du recul afin de reprendre la main et prendre soin de soi. Et attention aux pilotes automatiques qui peuvent nous en empêcher car « non, pas moi ! » ou « c’est normal, ça va passer, faut que je tienne ».
Les clés d’Ajadi :
En résumé, pour maintenir son énergie managériale, il faut:
- Accepter que c’est un droit et un devoir de se ressourcer.
- Être au clair sur son cap, son rôle, ses pilotes automatiques.
- Repérer ses signaux faibles.
- Organiser des temps de prise de recul dans son agenda.
- Organiser des temps de récupération et de partage.
- Installer un dialogue avec ses collaborateurs entre acteurs responsables, dans une vision organique et non hiérarchique.