Qui est généralement promu ?
Nous avons beaucoup observé dans le passé, que généralement ce sont des personnes qui sont des experts ou les plus anciens, qui maîtrisent la technique ou les processus, qui sont promues. Et c’est compréhensible, c’est une manière de se rassurer sur la continuité des différents processus, mais également, une manière de reconnaitre l’expérience du salarié. Cependant, cela a ses limites. Et de nombreux RH et dirigeants en sont conscients aujourd’hui.
Être manager n’est pas qu’une reconnaissance, être manager c’est un métier dont la matière première est l’humain ! Ce n’est pas du process. C’est un métier qui nécessite des savoir-faire et savoir être précis, qui en plus sont différents en fonction du contexte de l’équipe ou de la culture de l’entreprise. C’est loin d’être un métier facile ! Nous pouvons le voir, les managers sont abreuvés de conseils et d’injonctions sur comment être un « bon manager ». Donc oui c’est une reconnaissance, mais c’est aussi un sacré challenge.
Cela est dommage que le développement de carrière soit encore majoritairement vertical dans notre société, et que pour reconnaitre un expert, on ne pense qu’à la solution de le promouvoir manager. Comme cela est dommage que les mouvements transverses, extrêmement riches en développement de compétences, ne soient pas valorisés comme promotion. On parle de mobilité fonctionnelle et non de promotion. Mais tant que nos systèmes de rémunération seront basés sur la pesée des postes, tant que la réussite sociale sera associée au titre et à la rémunération, évoluer en transverse, sera malheureusement vécu pour certains comme évoluer au même niveau.
Et le dirigeant, qui lui a pour enjeu de fidéliser ses collaborateurs, peut tomber dans le piège de promouvoir pour donner un signe de reconnaissance. Mais heureusement, tout le monde n’attend pas la même chose, et pour certains, la fidélisation passera par une proposition de parcours de carrière, permettant de développer ses compétences en transverse.
Comment sont choisis les futurs managers ?
On se piège souvent, avec ce fameux « le plus », le plus expert, le plus ancien, qui devient une grille de lecture qui nous amène à prendre une décision, pas toujours rationnelle et objective par rapport au besoin du poste à pourvoir.
C’est-à-dire que nous avons un poste, une case vacante, nous regardons comment la combler. Et dans un souci d’efficacité court terme, nous regardons celui qui est le plus près du poste dans l’organigramme, sans forcément nous questionner plus ou préparer plus cette promotion.
Puis, souvent nous pensons qu’une évolution salariale + une formation managériale suffiraient à permettre au collaborateur de revêtir les habits du manager avec succès.
Cependant, ce processus est insuffisant. L’absence d’analyse de la promotion et d’accompagnement, à la prise de fonction a été désastreuse dans beaucoup d’entreprises.
Nous lisons tous les jours des articles sur des managers, des collaborateurs, des équipes en difficultés dans des situations de tension. Ce n’est pas l’individu manager qui n’est pas « bon », c’est tout simplement qu’il n’y a pas eu analyse et accompagnement.
Être manager est un métier. 90% des enjeux du poste de manager sont humains, et cela ne s’apprend pas qu’avec une formation, cela s’expérimente et se vit sur le terrain, dans les interactions humaines.
De ce fait, promouvoir « le plus », sans plus d’analyse et d’accompagnement, c’est prendre un risque sur le moyen terme.
Comment aborder ce choix ?
Afin que ce processus soit réussi, il est important d’anticiper, de se préparer, et cela ne se décide pas uniquement quand le poste se libère.
Il ne s’agit pas de raisonner court terme, de promouvoir « le plus » ou pire « le moins », tout cela parce qu’on souhaite allez vite ou fidéliser.
Et parfois il vaut mieux laisser un poste vacant quelques mois, ou faire appel à du management de transition, que de réaliser une promotion à la va vite.
Dans cette optique, pour se donner le choix, il est important de connaitre chacun de ses collaborateurs, de se projeter à horizon 5 ou 10 ans avec lui, de le préparer à acquérir les savoir être qui lui manquerait.
Pour cela, il faut parfois changer son regard, ses convictions sur ce qu’est un manager. Ce n’est pas forcément le copier-coller du précédent, il n’y a pas un profil type normé. Et changer de regard sur qui peut ou non être manager. Avec de l’envie, de la motivation et un bon accompagnement, un collaborateur que nous n’imaginions pas à ce poste, peut se révéler performant et épanoui.
C’est en se projetant sur le moyen terme qu’on peut avoir une promotion managériale réussie. C’est indispensable pour faire le bon choix, d’analyser la promotion en elle-même, pour définir le profil managérial cible dans le contexte.
Quelles questions le dirigeant doit-il se poser pour réaliser son choix ?
Si on veut sécuriser une promotion, il est nécessaire de se poser beaucoup de questions. Ce qui est complexe.
La première étape est que le dirigeant se questionne sur le contexte : Quelle est sa stratégie ? Quel est son objectif ? Quel est son cap ? Quel est l’état de son équipe ? De quelle énergie, dynamique, le projet d’entreprise a-t-il besoin ?
Et en fonction de cela, il va pouvoir se poser la question : De quel profil a-t-il besoin ? Avec quel savoir-faire ? Mais aussi, quel savoir-être ?
Une fois qu’il a répondu à ces questions, qui lui permettent de prendre du recul sur le contexte et de définir la cible, la deuxième étape est de se questionner par rapport à ses actifs.
Quelles sont les compétences des personnes dans son équipe ? Quelles sont celles qui ont envie d’évoluer vers ce rôle ? Quelles sont celles qui en ont le potentiel à court terme / moyen terme ?
En challengeant ses certitudes sur le changement de regard, vis-à-vis de certains collaborateurs.
Ce qui compte, c’est que le dirigeant objective sa perception de ses actifs humains, c’est qu’il soit conscient qu’il a le risque d’une décision émotionnelle du type « je n’ai pas le choix », « je suis obligé » ou « je veux le même profil » ou au contraire, « surtout pas le même »; ou « cela fait 3 ans que je prépare mon poulain », « c’est le meilleur de la bande » ou « c’est celui avec lequel il y aura le moins de perte en ligne sur les process ».
Et dernier point sur lequel il doit se positionner dans cette prise de recul : Est-il prêt à entendre, que la personne pressentie peut ne pas souhaiter être promue ? Quel sera son plan B dans ce cas ? Et quel regard portera-t-il sur la personne ? Quelle place prendra-t-elle dans la nouvelle organisation si elle refuse ?
Si le dirigeant repasse sa décision au filtre de ces questions, cela lui permettra d’objectiver et prioriser ses critères de choix.
Enfin, le dirigeant devra également anticiper l’effet produit par la promotion sur l’équipe, surtout s’il s’agit d’une création de poste. En modifiant un élément d’un système, c’est l’ensemble de la dynamique du système qui évolue. Comment va-t-elle être accueillie cette promotion ? C’est un changement, donc cela générera forcément des réactions. Donc, comment annoncer cette promotion à l’équipe ? Quelle mise en perspective et sens donner à cette promotion ? Quelles questions l’équipe pourraient se poser ?
Et, il devra également se préparer à l’échange avec la personne identifiée.
A-t-elle bien compris les enjeux et les attendus du poste ? En a-t-elle envie ? Souhaite-t-elle ce challenge ? S’en sent-elle capable ? Quels sont ses doutes ?
Une promotion non souhaitée, comme toute chose subie, crée des dégâts. Donc il est nécessaire que le collaborateur se sente en confiance pour être libre d’accepter ou refuser, sans que cela ait un impact sur sa place dans l’entreprise ; et s’il accepte qu’il soit au clair sur sa motivation et sur l’accompagnement dont il pense qu’il aura besoin.
Cette question de promotion est au cœur de l’alignement personnel. Il y a ceux qui veulent être managers parce qu’ils le souhaitent réellement, qu’ils en ont les compétences, le potentiel, l’envie, en connaissant les bons et mauvais côtés du métier.
Et il y a ceux qui souhaitent être managers parce que cela fait partie de la dérivée sociale évoquée, de la reconnaissance et de l’évolution salariale qui sont y associées. Dans ce cas-là, il est important de permettre à la personne de prendre du recul sur cette analyse, pour signer en bas la page en sachant dans quoi elle s’engage.
Comment s’assurer que c’est le bon choix ?
Comme dans toute décision, on ne sait jamais au moment de la prendre, si c’est la bonne puisque le futur est inconnu. Mais si on prépare et on accompagne, le résultat sera positif.
Pour revenir sur ce que le choix de la bonne personne à nommer. Il y a des critères sur lesquels bien sûr on ne doit pas transiger, qui sont liés à l’analyse faite.
Mais le mouton à 5 pattes n’existe pas. Il n’y a pas LA bonne personne pour le poste ! Ce type de raisonnement met une pression !
C’est une rencontre entre un individu et un nouvel écosystème, et les 2 sont co-responsables de la réussite de la prise de fonction. C’est ensemble que la décision est prise d’aller vers ce futur et c’est ensemble, promu et structure, qu’on se donne les moyens de créer de la valeur. Dans un recrutement, il y a la période d’intégration, dans une promotion, il y a la période d’accompagnement.
Pour que tous les doutes puissent être nommés, qu’un plan d’accompagnement y soit associé et que des feedbacks sincères et constructifs puissent être réalisés au fil de la prise de poste, cela nécessite qu’il y ait des bases de confiance entre le promu et la structure.
Quels types d’accompagnements le dirigeant peut-il envisager ?
Le tout premier accompagnement est de permettre au collaborateur de bien comprendre les attendus de son rôle, ses objectifs tant business, que managériaux, ses objectifs tant individuels que collectifs.
Puis en fonction de là où en est le collaborateur dans son développement, on pourra déterminer l’accompagnement dont il aura besoin, de la part du dirigeant, avec des feedbacks et du soutien, ou de la structure (formation, coaching, co-développement, mentoring). Et le suivi prévu de cet accompagnement.
En fait, pour sécuriser une promotion managériale, qui apporte la performance business attendue, cela nécessite d’avoir une vision holistique de la situation, tant sur l’individu que sur l’équipe, tant court terme que moyen terme, tant rationnelle qu’émotionnelle, tant sur les savoir-faire que sur les savoir-être, tant sur la raison d’être, les valeurs que sur la performance attendue, tant sur la réalité des savoir-faire que sur le potentiel, sous réserve que l’accompagnement idoine soit mis en place.
Les clés d’Ajadi :
En résumé, réussir une promotion, c’est complexe, c’est loin d’être aussi simple que de promouvoir « LE PLUS ». Elle doit être préparée, discutée, accompagnée.
Les 5 clés :
- Clarifier le contexte.
- Être au clair sur ce qui est du champ rationnel ou émotionnel.
- Anticiper l’impact de la promotion sur l’individu, le dirigeant, l’équipe.
- S’aligner sur le sens de cette promotion au regard des attendus business et humains.
- Organiser l’accompagnement post promotion et le piloter.