La définition du Larousse est : « disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à l’indulgence envers autrui », avec comme exemple « interroger des candidats avec bienveillance ». Qu’est-ce que la bienveillance ?
Au-delà de la définition du Larousse, il est possible de se référer pour définir ce mot à son origine latine « Bona vigilantia », qui veut dire bonne vigilance, « disposition favorable à l’égard d’autrui », au sens être attentif à l’autre. C’est-à-dire agir avec attention et respect.
Mais dans la définition du Larousse, le mot indulgence peut prêter à confusion, et introduire un biais entre bienveillance et gentillesse. En effet l’indulgence peut induire « laisser faire », « passer sous silence ». Cela est proche de la notion de gentillesse (être aimable, être complaisant).
Dans le monde de l’entreprise, si l’attente vis-à-vis des managers est qu’ils soient gentils, il y aura un problème de performance. Ce n’est pas dans le rôle des managers d’être gentil, mais c’est dans leur rôle d’être bienveillant.
Etre bienveillant vis-à-vis de l’autre, c’est être bienveillant à son développement, à sa progression personnelle. Etre attentif à l’autre, dans le respect, et non uniquement dans la gentillesse, introduit une notion d’exigence.
Si on poursuit le but d’être gentil, il n’est pas possible de formuler à l’autre des remarques qui pourraient être perçues comme une remise en question ou une appréciation ; il n’est pas possible d’accompagner l’autre dans son développement.
En tant que manager comment faire son autodiagnostic ?
Être un manager bienveillant, c’est être dans une logique de progression et de développement long terme plus que de résultats à court terme. C’est réaliser des feedbacks constructifs, et non des reproches, pour accompagner le développement de son collaborateur. C’est poser un cadre qui, peut-être perçu comme limitant et pas gentil, mais protecteur et permettant de fonctionner en collectif. C’est ne pas penser à la place de l’autre. C’est permettre à l’autre de faire des erreurs. C’est ne pas être dans le jugement. C’est accueillir l’autre, là où il en est.
Donc c’est exigeant. Et il peut y avoir des contextes où en raison d’émotions, de fatigue, on peut perdre cette bienveillance dans la forme. Pour être ouvert à l’autre, il faut aussi pouvoir être ouvert à soi. Par exemple, il peut y avoir des contextes où on peut manquer de courage relationnel , où on ne dit plus les choses à l’autre parce que l’on a peur de ne pas être considéré comme gentil. Comme on est inquiet de la réaction de l’autre, on ne va plus oser dire un certain nombre de choses.
Mais tout est dans la manière de formuler notre feedback, et cela se situe dans notre intention. À partir du moment où on est dans le respect et l’attention à l’autre, on est bienveillant.
Notre intention doit être bien pour soutenir, accompagner, accueillir et développer l’autre et ne doit pas être pour mettre l’autre dans une case, tel que l’on souhaiterait qu’il soit.
Mettre les gens dans des cases et imposer, ce n’est pas de la bienveillance. C’est une forme de malveillance parce que c’est irrespectueux.
Chacun est libre d’être tel qu’il le souhaite.
Quels indices vont permettre de déterminer si je suis un manager bienveillant ou si je ne suis pas un manager bienveillant ?
Les indices que je peux observer chez moi ou chez les autres sont très dépendant de mon éducation, de mes perceptions, de la manière dont je vois la réalité.
Mais factuellement c’est la qualité d’écoute, de questionnement, d’acceptation du point de vue de l’autre, d’acceptation de la différence, de mise en place d’un dialogue. C’est aussi la capacité à avoir de la compassion pour soi et pour l’autre, c’est-à-dire d’accepter que l’on ne peut pas être parfait tout le temps. C’est aussi la capacité à poser des limites à l’autre ou pour soi ou pour l’autre.
Les signaux faibles se retrouvent dans la relation à l’autre et dans le rapport de soi avec soi.
Etre dans la bienveillance, vis-à-vis de soi et vis-à-vis de l’autre, nécessite une grande connaissance de soi.
On lie souvent bienveillance et management. La bienveillance étant présentée comme un outil de management. Qu’en est-il ?
Effectivement, on parle de manager bienveillant : « il faut que le manager soit bienveillant ». Pour moi, il s’agit d’une injonction et une injonction n’est pas bienveillance !
Mais il est complétement compréhensible que la bienveillance soit une posture attendue dans le cadre professionnel en vue d’une qualité relationnelle et d’un respect d’autrui.
La bienveillance peut être considérée comme un outil au sens qu’elle permet plus de respect, plus de progression, plus de performance, plus d’efficacité collective.
On peut apprendre des techniques d’écoute, de cadre. On peut se former à développer une posture d’ouverture avant de tomber dans la recherche de solutions. On peut quitter une posture d’autoritarisme. On peut faire évoluer une culture historique du management, très pyramidale, très hiérarchique, très dans l’autoritarisme, où l’autorité ne se fait pas par le dialogue et par la co-construction, mais se fait par l’imposition et in fine par une forme d’irrespect. On peut développer une culture d’un management dit bienveillant, inclusif, non discriminant, d’accueil de la différence et de l’autre tel qu’il est, dans laquelle on crée de l’intelligence collective grâce à la rencontre de l’autre.
Oui la bienveillance s’appuie sur une méthodologie avec des comportements d’écoute, de questionnement, d’ouverture.
Mais on ne s’invente pas bienveillant. C’est un alignement interne. Si ce n’est pas authentique, si cela ne se vit pas de l’intérieur, cela sera « fake » et cela se sentira. Il n’y aura pas de cohérence entre le discours et le ressenti, il y aura de l’implicite, il y aura des interprétations et cela créera des difficultés dans les équipes.
On ne peut pas former un manager à être bienveillant. C’est une intention, un souhait, c’est une volonté.
Mais quatre-vingt-quinze pour cent des gens sont bienveillants au fond d’eux.
Qu’est ce qui peut donner une perception de malveillance ?
Certains managers peuvent ne pas être perçus comme bienveillants par leurs collaborateurs ou par leurs pairs, parce qu’ils ont eu telle remarque ou qu’ils ont fait un mail avec trois points d’exclamation. Mais c’est la perception de l’autre. Cela ne veut pas dire que l’intention était malveillante ou pas bienveillante chez ce manager.
Le manager a le droit à des maladresses. Le droit à l’erreur est réciproque. Cela fait partie de la bienveillance d’accepter les maladresses de l’autre. Et la bienveillance concerne tout le monde. Les collaborateurs aussi.
Mais effectivement, le manager doit être vigilant à ce que l’intention qu’il souhaite produire soit l’effet qu’il obtienne. Il doit avoir la capacité de prendre du recul pour observer la situation et voir quel effet il produit avec la formulation de phrase qu’il a faite.
Si jamais cette phrase est comprise comme un reproche alors que cela n’était pas son intention, il peut rectifier et préciser : « Mon intention n’était pas de faire un reproche. Mon intention était de t’accompagner, comment peut-on faire ? ». Ou si effectivement il est agacé par la situation, l’exprimer « Je suis agacé et j’ai eu une formulation « sujet verbe complément ». Je m’excuse de cette manière de faire. Comment peut-on travailler différemment ensemble ? ».
Souvent, ce sont nos émotions qui prennent le dessus et parce qu’elles sont présentes chez celui qui écoute ou chez celui qui parle, elles brouillent le message. Mais sur l’intention de fond, il y a de la bienveillance chez tout le monde. C’est très très rare, la malveillance.
Comment exprimer sa bienveillance dans son management ?
Tout d’abord c’est définir, selon soi, ce qu’est la bienveillance pour soi, pour l’autre.
Puis c’est faire preuve de compassion. En raison des émotions, on ne peut etre à 100% du temps dans la bienveillance. De ce fait, pour l’etre au maximum, il faut que le manager puisse prendre du recul, c’est-à-dire observer ses comportements, l’effet produit et rectifier ses comportements si ce n’est pas ce qu’il souhaitait. C’est également avoir conscience que tout est affaire de perception et donc questionner l’autre savoir comment l’autre a perçu son comportement. C’est de l’ajustement en permanence.
Enfin, la bienveillance, c’est sortir du jugement, sortir des interprétations et aller dans le dialogue avec l’autre.
Les clés d’Ajadi :
Pour exprimer sa bienveillance dans son management :
- Définir ce qu’est la bienveillance, ce qu’on souhaite dans sa relation à l’autre
- Observer, identifier les comportements et leurs effets, où on l’est ou où ne l’est pas, selon notre prisme
- Accepter que cela est une affaire de perception, que chacun est différent et qu’on ne peut satisfaire tout le monde
- Prendre conscience de l’impact des émotions dans son objectivité et son analyse
- Sortir du jugement sur soi, sur l’autre pour éviter les interprétations
- Se questionner sur ses actes, leurs intentions pour rectifier
Cet article est issu du podcast « Les Pratiques du Management », durant lequel Aurélie Durand répond, chaque mois, aux questions de Frédérique Roseau, Rédactrice en Chef à la Revue Fiduciaire.