Faire grandir ses collaborateurs

Est-ce le rôle du manager de « faire grandir ses collaborateurs » ?  

Le manager a le devoir de mettre en place le cadre qui permet aux collaborateurs de grandir s’ils le souhaitent, mais ce n’est pas le manager qui fait grandir ses collaborateurs.  

On ne fait pas grandir quelqu’un, quelqu’un grandit par lui-même. C’est sa volonté de développer son autonomie qui va lui permettre de grandir. L’entourage accompagne, met en place les conditions qui permettent ce développement. 

Qu’est-ce que signifie grandir dans le cadre professionnel ?  

Grandir signifie se développer dans son autonomie. Le collaborateur grandit dans la direction qu’il souhaite. Généralement il s’agit d’un développement de compétences. 

Historiquement, grandir voulait dire quasi systématiquement grimper les échelons hiérarchiques pour devenir manager. Or cette approche a « fait grandir » des collaborateurs qui ne souhaitaient pas forcément se développer vers ce rôle managérial à part peut-être pour le titre, le salaire, la reconnaissance.  

Grandir, c’est se développer, c’est donc apprendre et aller vers ce qui motive intrinsèquement. Cela peut être se développer hiérarchiquement, mais aussi se développer sur de nouveaux métiers, ou dans son approfondissement d’expertise, ou développer son autonomie, donc sa capacité de décision, ou se développer relationnellement. Les pistes sont nombreuses. 

Quel cadre le manager doit poser pour que le développement professionnel du collaborateur soit possible ?

Pour permettre le développement et l’épanouissement de l’individu, le premier point est de permettre le droit à l’erreur. Lorsqu’on se développe, on apprend, et lorsqu’on apprend, on ne sait pas tout de suite faire comme un expert ! 

Un autre point important est le temps. Le manager doit dégager du temps au collaborateur et se dégager du temps lui-même pour prévoir des points de suivi de la progression vers l’objectif de développement.  

Si c’est lui qui transmet, il doit prévoir des points de transmission, explication, feedback. Le manager a dans ce cas un rôle pédagogique, une posture de manager coach qui fait répéter, prendre du recul sur les difficultés, il donne des points de repères (boucle de rétroaction du feedback).

Si ce n’est pas lui qui forme, il doit donner les moyens au collaborateur d’avoir accès à des professionnels pour se développer. 

Enfin, au-delà d’être disponible, le manager doit être bienveillant et positif. Avoir confiance dans le potentiel du collaborateur et soutenir cet élan positif de développement. 

Dans quel contexte se décide la mise en place de cette dynamique de développement ?  

Légalement l’employeur doit mettre en place des entretiens professionnels et s’assurer de l’employabilité du collaborateur dans le futur. Cela ne veut pas dire s’engager à un développement du collaborateur dans une voie précise, mais prendre en compte cette dimension de l’employabilité. Et cette dynamique de développement peut se discuter à cette occasion. Mais ces discussions peuvent être également informelles.  

Dans tous les cas, attention à être dans une discussion et à respecter la volonté du collaborateur sur son souhait de grandir ou non. 

En effet, le manager peut percevoir du potentiel chez un collaborateur. Mais le collaborateur peut ne pas avoir l’envie de ce développement. Le collaborateur peut se freiner n’ayant pas eu jusqu’à présent le cadre soutenant lui permettant d’envisager ce développement et d’avoir confiance en lui. Dans ce cas, le manager peut être un révélateur.  

Mais le collaborateur peut également ne pas souhaiter ce développement car cela peut ne pas être le moment dans son contexte de vie personnelle, et c’est à respecter. Le manager ne doit pas chercher à être le pygmalion à tout prix qui « fait grandir ». 

Et dans la perspective inverse, le collaborateur peut avoir envie de grandir mais le manager peut être persuadé que le collaborateur ne pourra pas aller dans telle ou telle voie de développement. En cas de souhait, et si cela répond aux objectifs de l’entreprise, le manager n’a pas à décider à la place, il doit soutenir l’envie, tout le monde peut apprendre, se développer. On a tous du potentiel, il dépend du contexte. Avec du renforcement positif et de la mise en avant des talents, des forces, on peut renforcer le développement. Et si l’ambition est élevée, il s’agit de définir le chemin et les étapes.  

Le rôle du manager est d’être un guide à côté du collaborateur, et non pas de donner le cap ou de freiner. C’est une posture proche de celle de coach ou de pédagogue. 

Faut-il réfléchir le développement d’un individu en fonction de l’équipe ? 

Effectivement, si le manager décide d’accompagner uniquement certains collaborateurs, sans se poser la question de l’équipe, de l’équité, cela aura un impact sur la solidarité, la cohésion, l’efficacité de l’équipe avec des risques de rumeurs, de perception de favoritisme. 

Comme dans toute action professionnelle, que ce soit manager ou collaborateur, l’étape de prise de recul est clé « Pourquoi est-ce que je veux me développer ? Pourquoi est-ce que je veux accompagner tel collaborateur ? Quel effet si je l’accompagne ? Comment développer également l’équipe ? Comment communiquer pour éviter des perceptions de favoritisme ? ». 

Dans une perspective non pas d’égalité mais d’équité, il est important d’éviter les non-dits, que tout soit clair, transparent, compris et que ce soit au service de l’entreprise. 

Sachant qu’à l’inverse on peut se dire qu’en développant le collaborateur, s’il démissionne, ce développement bénéficiera à la concurrence. Et donc, ne pas investir dans le développement ou mettre la pression au collaborateur pour qu’il reste dans l’équipe.  

Le collaborateur est libre d’aller travailler où il veut. Il s’agit là aussi de prendre du recul. Un collaborateur qui se développe est épanoui, apporte plus de performance, une meilleure qualité relationnelle, de la créativité, de l’agilité. Il s’agit d’une expérience collaborateur de qualité, qui soutient un bien-être au travail. Si le collaborateur décide malgré tout de démissionner, il le fera avec une bonne image de l’entreprise et reviendra peut-être.  

Que signifie pour le manager la confusion entre son rôle qui est d’accompagner l’évolution des collaborateurs et le fait de devoir les faire grandir ? 

À partir du moment où nous nous exprimons avec des « je dois », « il faut », il est urgent de s’arrêter pour prendre du recul sur cette pression et de se poser les questions : « Pourquoi faire ? Quel est le sens ? Quel est mon rôle ? Quel effet cela va produire, positif comme contre-productif ? ».  

Le rôle du manager est d’accompagner. Son rôle est de permettre l’efficacité et l’atteinte des résultats de son équipe. Pour atteindre l’efficacité, il y a peut-être dans le plan d’actions la nécessité de développer un certain nombre de compétences au sein de l’équipe ou de développer un certain nombre de collaborateurs. Oui dans ce cas, il « doit » accompagner le développement mais, ce n’est pas il « doit » développer ; c’est-à-dire qu’il « doit » mettre en place le plan d’actions de formation, de montée en compétences, en mesurant avec des indicateurs, en fonction de l’objectif et en faisant des points d’étapes réguliers et des feedbacks

Le manager ne doit pas être sous une pression pour développer le collaborateur à tout prix. S’il ressent de la pression, il n’est pas objectif. Il doit se demander d’où elle vient. Est-ce que lui-même se met cette pression, avec un principe pour agir de pygmalion ou de sauveur ? Ou est-ce une pression qui vient de l’organisation qui décharge sur une lui une responsabilité qui devrait être partagée ?  

Quels pièges si c’est le collaborateur qui souhaite que le manager le fasse grandir ?

Si c’est « tu dois me faire grandir » ou « je dois le faire grandir parce que le collaborateur le demande ou considère que c’est dans mon rôle », cela renvoie à un autre piège. Celui du consumérisme et de l’infantilisation/parentalisation. 

Ce n’est pas l’autre qui fait grandir, nous ne sommes pas des enfants, c’est à chacun de prendre en charge le plan d’actions.  

Si on souhaite se développer, on est acteur de son développement c’est-à-dire qu’on se renseigne sur les mobilités possibles, on se renseigne sur les parcours de carrière, on regarde par quelles étapes on peut passer. On n’attend pas qu’on nous donne le poste, le titre ou le grade. Si on est dans cet attentisme c’est une attente d’image, de reconnaissance et non de développement personnel. Le « il doit me développer » peut vouloir en réalité dire « il doit me donner le titre ou le poste ». Il s’agit alors d’un autre sujet.  

Chacun se doit, pour lui-même, de se développer et d’aller chercher le soutien, le cadre, les moyens.  

On est libre, voire responsable, d’exprimer à son manager son souhait d’évolution et de questionner sur le plan d’actions, sur ce qui nous manque ou que nous devons encore prouver pour développer ce potentiel. Il s’agit d’un dialogue entre deux adultes. 

Les clés d’Ajadi : 

Permettre à ses collaborateurs de grandir, et éviter le piège du « faire grandir », c’est leur permettre d’être acteurs de leur développement et l’accompagner. Pour cela :

  • Prendre du recul sur ses éventuels pièges de pygmalion, d’expert plaisir, de parentalisation. 
  • S’assurer de la motivation intrinsèque, clarifier les attendus de part et d’autre. 
  • S’assurer de l’équité, donner du sens au service de l’efficacité de l’équipe, être clair et transparent. 
  • Faire confiance et avoir confiance, identifier les forces sur lesquelles le collaborateur peut s’appuyer. 
  • Définir le parcours et les moyens d’apprentissage, les étapes de progression, les durées et indicateurs vs l’objectif. 
  • Faire preuve d’ouverture et de disponibilité, respecter le droit à l’erreur, dégager du temps pour observer, mesurer, corriger, réaliser des feedbacks.

Cet article est issu du podcast « Les Pratiques du Management », durant lequel Aurélie Durand répond, chaque mois, aux questions de Frédérique Roseau, Rédactrice en Chef à la Revue Fiduciaire. 

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