Développer une culture du feedback

Que faut-il entendre par feedback et culture du feedback ?

Le mot dans son sens strict signifie rétroaction, et ne signifie pas seulement « retour » comme dans le langage courant.

C’est un processus en cybernétique dans lequel, l’effet intervient également comme agent causal. Nous pouvons imaginer cela comme une boucle.

Autrement dit, un feedback c’est un retour d’information factuel et mesurable qui permet de réguler un système, qui a pour objectif l’amélioration de l’efficacité à travers la mise en place de nouvelles actions.

Et dans le système qu’est l’entreprise, ce n’est pas mécanique, il y a la dimension humaine à rajouter.

Une culture du feedback c’est une culture de l’efficience (c’est-à-dire de l’optimisation des ressources et non juste du résultat), c’est une culture qui implique et permet discernement, confiance, qualité relationnelle.

Si le feedback permet la qualité relationnelle, l’efficience, la confiance en soi/en l’autre, il ne peut être efficient sans qualité relationnelle, sans confiance en soi/en l’autre. C’est comme la poule et l’œuf. C’est complexe.

Et derrière tous ces mots (mots), il y a les maux (maux) de ce qui rend complexe le feedback entre 2 êtres humains : nos émotions et nos egos.

Quelle est notre pratique du feedback en France ?

Nos émotions et nos égos français nous amènent souvent à redouter ces moments de feedback, à les réinterpréter; et notre cerveau se piège avec des généralisations, des conclusions hâtives pour nous éviter de nous confronter à ces moments.

Alors que dans les pays anglo-saxons, le feedback c’est culturel, c’est une pratique courante au service de l’amélioration.

En France, le feedback est souvent perçu comme un jugement, une remise en cause. C’est très très ancré.

Or non, le feedback ne remet pas en cause le collaborateur, le feedback a pour objectif de faire perdurer une pratique, un comportement efficace OU d’améliorer une pratique, un comportement inefficace.

Le feedback permet d’accompagner l’autre dans son développement ou d’améliorer le système commun, la manière de travailler ensemble.

Et si on ne le pratique pas, rien n’évoluera jamais.

Qu’est-ce qui pourrait expliquer cette spécificité française ?

Une des explications pourrait être notre système éducatif. Dans le passé, nous avons plutôt été habitués à ce que nos points faibles soient mis en avant, plutôt que nos points forts, nous avons une forme d’aversion à formuler ou recevoir tout commentaire que nous prenons comme une critique.

Et, comme effectivement nous pouvons parfois juger, et du coup critiquer : nous sommes programmés pour ne pas faire de feed-back, ne pas savoir en faire, ne pas savoir en recevoir, car nous ne l’avons tout simplement pas appris.

De plus en fonction de la qualité relationnelle plus ou moins bonne, de l’ouverture à l’autre, de la confiance en soi, toujours plus ou moins bonne, il y a effectivement des mauvaises pratiques et des feedbacks qui dérivent en jugement réel ou perçu.

Comment s’y prendre pour apprendre à réaliser un feedback ?

Il existe des méthodes, des grilles de lecture comme les méthodologies DESC ou OSCAR qui sont centrées sur les faits, les besoins et les résultats. Coachs et formateurs les connaissent.

Pour apprendre à faire des feedbacks, vous pouvez vous entrainer à pratiquer ces méthodologies avec des personnes avec lesquelles vous êtes en confiance.

C’est comme lorsqu’on apprend un sport, une technique artistique, plus vous répétez, plus cela devient naturel ; plus vous êtes à l’aise, plus vous pouvez mettre en pratique dans des environnements de plus en plus challengeants ou de façon plus spontanée.

En matière de feedback, le niveau de difficulté varie en fonction de la relation.

Et ce n’est pas la même chose pour tout le monde. Pour certains c’est faire un feedback à son N+1, pour d’autres c’est faire un feedback à son collègue le plus proche qui est difficile.

Si vous avez la méthode vous avez fait 50% du chemin, vous savez que vous savez faire.

Mais il reste 50% encore du chemin à parcourir.

Dans ces 50%, cest là que lhumain, les émotions et les egos, rentrent en compte. Ils nécessitent qu’avant de réaliser un feedback, vous soyez au clair sur votre intention, sur vos biais de jugement, sur vos propres émotions.

Et on en revient au discernement, à la prise de recul émotionnelle.

Si vous appliquez les méthodes sans cette prise de recul, il y a 80% de chances que le feedback soit ou soit, perçu comme un jugement.

Les mots, le ton, le type de formulation « sujet-verbe-complément » fera que l’autre n’entendra pas les mots, mais tout ce que vous pensez au fond de vous.

Si l’autre n’est pas en confiance dans la relation avec vous, il risque de sur interpréter.

Si vous n’avez pas une relation « équilibrée » avec l’autre, de confiance, cela va s’entendre également.

Et si vous souhaitez juste que l’autre fasse comme vous pensez qu’il devrait faire, ou que vous ne comprenez pas qu’il ne fasse pas quelque chose que vous lui avez dit, vous n’êtes pas dans l’intention d’un feedback, mais d’un recadrage ; et cela se sentira, s’entendra.

En finalité, installer une culture du feedback c’est accepter de changer de regard sur soi, sur l’autre, sur la relation, sur notre finalité commune.

Comment éviter de faire un recadrage et réaliser un vrai feedback ?

Afin de faire un vrai feedback, il est important dans ces 50 % d’identifier toutes les pensées automatiques du type « ça sert à rien », « il est de mauvaise fois », « c’est toujours la même chose », « je lui ai déjà dit », « c’est pas possible qu’il y ait pas pensé », « il va encore mal le prendre », « c’est pas le moment »…. histoire de « purger l’émotion » pour qu’elle prenne moins de place.

Puis, de préparer l’introduction, l’intention que vous donnerez à votre feedback.

Quelle intention, quel effet souhaitez-vous produire ? C’est comme cela que vous saurez si vous vous situez dans le retour, le recadrage ou le feedback !

  • Gagner ? Imposer ? …dans ce cas, vous n’obtiendrez pas un feedback.
  • Faire le moins de vague possible ? ….vous n’obtiendrez pas un feedback non plus !
  • Développer ? Accompagner ? Co-construire pour gagner en efficacité ? …. là vous serez plus proche du feedback.

Et pour vous préparer ou durant l’échange, il est possible par exemple : 

  • De préparer des questions, des formulations.
  • De les dire à voir haute pour anticiper l’effet qu’elles peuvent produire sur l’autre.
  • Eviter d’utiliser le « Tu qui tues »…et surtout proscrire le « tu es » car c’est un jugement.
  • Éviter les « encore », « toujours », qui globalisent.
  • Après une affirmation, ouvrir par une question qui engage la co-réflexion.
  • Se laisser le droit de démarrer l’échange en étant lisible, explicite et juste vis-à-vis de vous-même, c’est-à-dire en exprimant vos besoins, vos doutes.

Il s’agit de se renforcer sur l’Art de la relation, c’est-à-dire de l’ouverture à l’autre et de la confiance en soi.

Ainsi les formations aux compétences émotionnelles et relationnelles ; puis l’entrainement à ces compétences, sont clés avant d’appliquer la méthodologie de feedback.

Est-ce que le feedback n’a sa place que dans la relation manager / managé ?

La culture concerne tout le monde et pour enlever la pression émotionnelle de la perception de jugement, il faut arrêter de dire que c’est surtout le manager qui doit faire des feedbacks à ses collaborateurs.

Le feedback permet la reconnaissance, le soutien social, de mieux collaborer, de faire avancer des projets, motive, évite les tensions…et cela c’est important dans toutes nos relations professionnelles.

C’est pour cela qu’on va jusqu’à dire « le feedback est un cadeau » ; mais attention, on parle du vrai cadeau, celui qui est fait en partant de l’autre et pour l’autre.

On ne parle pas du cadeau qu’on fait parce qu’il faut le faire ou de celui qu’on fait en pensant uniquement à soi…Encore une fois tout est question d’intention et d’équilibre !

Nous sommes tous légitimes à réaliser un feedback à partir du moment où nous sommes en interaction !

Nous pouvons tous oser le faire à partir du moment où c’est pour améliorer notre efficacité commune.

Est-ce qu’une culture du feedback suppose de privilégier le feedback positif ?

Tout feedback est positif ! Le feedback est une boucle de rétroaction qui vise à réguler un système pour un effet positif ! Il peut donc s’agir également de maintenir ou encourager un comportement, une action bénéfique et efficace.

En ce sens, le feedback, traite autant du feedback de développement / d’amélioration que du feedback de renforcement positif.

L’entrainement méthodologique et la prise de recul émotionnelle restent les mêmes. Il est aussi dur de faire des feedbacks positifs que des feedbacks de développement !

En effet, cela créé des émotions aussi ; beaucoup d’entre nous ne savons pas faire ou recevoir et accepter des feedbacks positifs (comme on peut être gêné par un cadeau).

Et attention, comme pour le reproche, le compliment est un jugement, positif soit, mais un jugement quand même. Ce n’est pas un feedback positif.

Un feedback est contextualisé, clair, factuel, précis, constructif. Il doit décrire le comportement, l’action. Cela peut être un compliment, mais un compliment explicité.

Les compliments non explicités, entretiennent la confusion entre jugement et feedback.

Le cerveau a toujours plus de mal à retenir le positif que le négatif. Donc continuons de faire des compliments, mais sachons aussi réaliser des feedbacks positifs.

Les clés d’Ajadi

Pour réussir un feedback :

  1. Prendre du recul sur ses émotions, ses jugements, ses biais cognitifs pour clarifier son intention de développement, d’accompagnement.
  2. Objectiver son feedback avec les méthodologies DESC, OSCAR (les faits, les besoins, les résultats).

=> Les faits et le choix des mots sont clés dans un feedback.

Pour asseoir une culture du feedback :

  1. Donner du sens, clarifier ce qu’est / n’est pas un feedback, pour en partager une vision commune.
  2. Embarquer, autoriser, inciter tous les collaborateurs en posant un cadre rassurant d’apprentissage collectif.
  3. Former et permettre l’entraînement aux méthodologies DESC, OSCAR.
  4. Former et développer l’intelligence émotionnelle et relationnelle.

=> Le feedback est un contenu qui passe dans le tuyau de la relation. Si la relation est de qualité, le feedback est plus facile.

Cet article est issu du podcast « Les Pratiques du Management », Aurélie Durand répond mensuellement aux questions de Frédérique Roseau, Rédactrice en Chef à la Revue Fiduciaire.

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