Gérer une crise émotionnelle dans l’équipe 

Est-ce que les émotions ont leur place en entreprise ? 

A une époque, on disait que les émotions n’avaient pas leur place en entreprise, qu’il fallait les écraser, les contrôler, ne pas les mettre en avant.  

L’émotion est indissociable de l’être humain, l’émotion est une aide au passage à l’action. « Emotion », étymologiquement, signifie se mouvoir vers l’extérieur. 

Mais il faut savoir l’apprivoiser, se l’approprier, la réguler. C’est à dire que c’est l’explosion d’émotions qui n’a pas sa place, c’est une question de degré d’expressivité

Pour cela chacun doit prendre du recul, observer ses signaux émotionnels, identifier son besoin caché derrière l’émotion (par exemple : réparation pour la colère, être rassuré pour l’inquiétude) et faire une demande explicite avant un trop plein, avant que cela ne fasse cocotte-minute émotionnelle parce qu’on n’en a pas tenu compte. 

Comment le manager peut-il réagir face à une explosion de colère ?  

Si le manager est présent lors d’une explosion de colère, la 1ere étape est qu’il régule sa propre émotion (inquiétude, agacement …) provoquée par la situation. La régulation de l’émotion peut se faire par le corps, la respiration, la mise en mouvement, et/ou par une prise de recul cognitif : « OK, quel est mon rôle ? Qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce qui se passe pour l’autre ? ».  

Une fois sa propre régulation réalisée, pour réinstaller un dialogue, le manager doit accueillir l’émotion de son collaborateur : « OK, comment te sens-tu ? Que se passe-t-il ? » et laisser la personne vider son sac.  

Quand l’émotion est présente, cela ne sert à rien d’essayer de raisonner la personne. Il faut considérer que le cerveau est bouché, que tous les arguments rationnels n’atteindront pas les neurones. Il est important d’accueillir, de reconnaître et de nommer cette émotion.  

Le besoin caché derrière la colère, et le passage à l’action constructif, ne pourra être formulé qu’une fois l’accueil de l’émotion réalisé.  

Puis, le manager peut passer à l’étape d’aide à la prise de recul de son collaborateur après avoir recadré le comportement: « J’entends que tu es en colère, mais la force que tu as mise n’est pas OK dans notre cadre professionnel. Cependant, j’ai bien compris qu’il y a de la colère. Donc qu’est-ce qui te met en colère ? Qu’est-ce qui se passe ? Quel est le besoin caché derrière ? ».  

Ce type d’échange est souvent itératif, l’émotion ne baisse pas immédiatement, cela nécessite que le manager réécoute, réaccueille, re-recadre en faisant référence à son rôle d’accompagnement du collaborateur mais aussi de l’équipe et de l’efficacité collective (ce qui légitime sa posture). 

Le manager doit-il intervenir si l’équipe a été témoin de cette explosion ? 

Tout dépend de l’ampleur de l’événement et de l’impact qu’il a eu sur l’équipe.  

Sans stigmatiser la personne concernée qui peut déjà se sentir mal à l’aise, et en suivant le principe qu’on ne fait jamais de feedback individuel en collectif, il est pertinent de rappeler, lors d’une réunion d’équipe, que dans un cadre professionnel il est important pour soi et pour le collectif de pouvoir réguler les relations. C’est à dire s’exprimer les uns vis-à-vis des autres, poser ses besoins avant d’aller dans une explosion. 

Autre intervention possible : Être à l‘écoute des autres membres de l’équipe, en questionnant informellement en one 2 one : « OK, comment vas-tu ? Comment tu te sens ? Est-ce que tu as envie de partager quelque chose ? ». Si les membres de l’équipe n’ont pas forcément envie de revenir sur la situation, le manager n’a pas besoin non plus de la marquer trop fortement ! 

Et que peut faire le manager s’il n’était pas présent lors de l’explosion de colère et que cela lui revient aux oreilles ? 

Ce qui rend légitime un manager à intervenir c’est l’impact sur l’équipe et l’impact sur l’efficacité collective.  

Dans le cadre d’un conflit entre 2 personnes, son rôle est lors d’entretiens en one 2 one, de factualiser les faits, d’accueillir les points de vue, d’analyser la situation, puis de recadrer et responsabiliser chaque protagoniste dans la résolution du conflit, en mettant en perspective que ce comportement relationnel ne peut se reproduire. 

Dans le cadre d’un claquage de porte dont il a connaissance, le manager doit d’abord prendre du recul en se demandant qu’elle est l’intention de la personne qui informe, puis permettre à cette dernière de prendre du recul : « OK, j’entends qu’il y a eu un comportement déplacé, en quoi est-ce que c’est déplacé ? Quel est l’impact vis-à-vis de l’équipe ? Qu’est-ce que tu comprends de la situation ? Qu’est-ce que tu as fait ? ».  

En tant que collaborateur observateur, on peut se poser la question : « Est-ce que je le dis à mon manager ou pas ? ».  

Tout dépend quelle est l’intention dans le fait de le dire, quelle est l’utilité par rapport à l’efficacité de l’équipe et par rapport à la détresse éventuelle que je perçois chez la personne qui a fait cette expression d’émotion ? 

Parce qu’une expression forte d’émotions, encore une fois, manifeste un besoin qui n’est pas respecté. 

Comment le manager peut-il réagir s’il détecte une personne en retrait ou tétanisée ? 

Pour pouvoir détecter une personne en retrait, le manager doit faire preuve d’intelligence émotionnelle (Capacité à reconnaître, comprendre et gérer les émotions chez soi et chez l’autre (Goleman)). Ainsi, le manager doit apprendre à repérer les signaux faibles corporels, visuels.  

Par exemple, face à une personne qui ne regarde pas dans les yeux, baisse le visage, devient rouge, le manager peut poser l’hypothèse que la personne est mal à l’aise et qu’il y a une inquiétude, une émotion de l’ordre de la peur.  

La méthodologie est alors d’appliquer la technique du feedback , c’est-à-dire de factualiser ses observations, de verbaliser son hypothèse sur l’état émotionnel de la personne et de lui demander ce qu’il en est : « J’ai observé que dans telle réunion, à tel moment ou à plusieurs reprises, tu étais en retrait ; mon hypothèse est que tu n’es pas à l’aise sur cette prise de parole, que quelque chose t’inquiète, qu’en est-il ? ».  

Cette ouverture permet à la personne de s’exprimer sur son inquiétude, d’entamer un dialogue, et ainsi de revenir dans le rationnel.  

Bien sûr, la personne peut ne pas s’ouvrir et être dans le déni, mais dans ce cas, le manager peut accuser réception du déni sans insister, mais en lui suggérant une action qu’elle pourrait faire, ou en renforçant sa légitimé de manager pour agir dans la situation qu’il avait observé. Ce qui est important c’est de signifier ce qu’on observe de façon à ce que l’autre sache qu’il a été compris sur le champ émotionnel. 

Enfin, que faire face aux larmes ? 

Les larmes sont classiquement une expression de la tristesse, d’abattement, mais elles peuvent aussi exprimer de la colère, de la détresse. Peu importe l’émotion, elle appartient à la personne qui la vit et dans tous les cas, c’est la manifestation d’un état qui n’est pas un état d’équilibre, c’est la manifestation d’un état de stress

Lorsqu’on observe ces faits, comme évoqué précédemment, le manager doit accuser réception de cette difficulté sans juger : « Je vois que cela ne va pas, est-ce que tu veux en parler maintenant ? Est-ce que tu sais ce dont tu as besoin ? Qu’est-ce que je peux faire pour t’accompagner à un instant T ? » ou « OK, je te laisse te poser et je te propose qu’on en reparle à tête froide mais c’est OK, j’ai bien vu les signaux d’alerte qu’il y a quelque chose qui ne se passe pas bien ». 

Comment en tant que manager s’emparer de ces situations émotionnelles avec calme ? 

Ce n’est pas évident pour le manager car ces situations d’inconfort de ses collaborateurs peuvent provoquer chez lui une émotion ! Donc il est conseillé de ne pas réagir à chaud, et d’éviter de tomber dans le piège émotionnel de donner des conseils, de minimiser, de juger, de culpabiliser ou de donner des solutions rationnelles. Dans ces moments-là, c’est vraiment une posture d’écoute et d’ouverture qui est importante.  

Le manager peut se laisser le temps de se poser, de se demander ce qu’il en pense, d’enlever les éventuels jugements qu’il peut avoir et de se reclarifier sur : « finalement quel est mon rôle ?».  

Son rôle c’est de faire réfléchir son collaborateur, de recadrer et peut être également d’aller chercher l’aide d’un tiers RH, coach ou médiateur selon ses besoins. Mais c’est également de penser à comment ménager une sortie honorable au collaborateur qui est dans cette situation. Cela ne veut pas dire donner tort ou raison ou accepter, c’est juste permettre à l’autre de redevenir acteur et de reprendre la main sur son mouvement puisque l’émotion était un passage en mouvement.  

Les clés d’Ajadi : 

Pour gérer une crise émotionnelle dans l’équipe, la clé est d’accepter la place de l’émotion dans les relations et l’efficacité pour permettre un passage à l’action créateur de valeur :  

  1. Repérer les signaux faibles en prévention 
  1. Prendre du recul pour ne pas prendre personnellement un débordement émotionnel, ne pas réagir à chaud ou ne pas le minimiser / juger 
  1. Accepter le temps d’expression, d’écoute et de reformulation de l’émotion avant le temps du passage à l’action 
  1. Questionner le besoin caché par l’émotion 
  1. Tenir son rôle, le cadre d’efficacité de l’équipe, ménager une sortie honorable, ne pas stigmatiser 
  1. Faire réfléchir le collaborateur sur l’effet / impact de son émotion et ce qu’il pourrait mettre en œuvre comme plan d’action de régulation 
  1. Solliciter le soutien d’un tiers médiateur, coach ou RH. 

Cet article est issu du podcast « Les Pratiques du Management », durant lequel Aurélie Durand répond chaque mois aux questions de Frédérique Roseau, Rédactrice en Chef à la Revue Fiduciaire. 

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