Qu’en est-il du changement de terminologie : entretien d’évaluation vs entretien annuel ?
Cette évolution lexicale est d’ordre symbolique. L’objectif de cette reformulation est surtout de redonner toute sa place au mot Entretien !
Le fond et l’objectif restent les même, il s’agit bien d’évaluer et définir les objectifs à atteindre compte tenu de son poste.
La pertinence de ce temps est que ce soit un Entretien, c’est-à-dire une conversation suivie entre 2 personnes !
Cela veut dire qu’il y a un objet de discussion: les réalisations de l’année par rapport aux objectifs fixés et la définition des objectifs de l’année suivante. Et cet objet doit être discuté, ce qui signifie un dialogue, objectif, argumenté.
Comment faire dans un cas où, des collaborateurs ne pas veulent « passer » cet entretien ?
Malheureusement, ce sont les mauvaises expériences du passé qui peuvent les rebuter.
Si les RH ont fait évoluer le vocable, c’est pour repositionner cet entretien à sa juste place.
Dans le passé, par défaut de formation, peur du conflit, jeu d’acteurs et de pouvoir, certains managers ont été maladroits.
Comme nous l’avons dit dans un précédent podcast, manager, est un métier où comprendre les motivations et relations humaines est clé. Et beaucoup n’avaient pas la formation leur permettant d’y parvenir.
Si votre équipe n’a pas envie de « passer » cet entretien avec vous, je vous invite à vous questionner. Qu’est ce qui provoque cela ? Y a-t-il assez de confiance dans votre relation ? Avez-vous une posture d’accompagnement au développement ? Avez-vous bien construit des objectifs atteignables et mesurables l’année passée ? Avez-vous une bonne connaissance de ce que chacun a réalisé dans l’année ?
Nous pouvons souvent entendre du côté des collaborateurs : « c’est toujours la même chose », « ce n’est pas des objectifs mais ma fiche de poste », « à quoi ça sert, les augmentations sont déjà décidées », « de toute façon j’entends que des reproches », « il ne m’a parlé que des autres/que de lui », « il n’avait aucune idée de ce que j’ai fait cette année ».
En clair, le manager doit se poser la question de : qu’est ce qui pourrait laisser penser à ses collaborateurs que ce temps d’entretien est inutile ? Ou déjà joué d’avance ? Ou que le seul but est de remplir les « cases de l’Excel » ?
À quel moment la confiance a-t-elle été rompue ? À quel moment le collaborateur a-t-il perdu son souhait de développement ?
Quelle satisfaction le manager peut-il trouver à mener des entretiens annuels, sans tout porter ?
Il est vrai que parfois, ce n’est pas tâche facile pour le manager, quand les collaborateurs ne veulent pas réellement s’investir.
Les collaborateurs peuvent arriver non préparés ou arc-boutés sur le souhait d’une reconnaissance ou avec toutes les justifications possibles pour expliquer la non-atteinte de certains objectifs.
Si on se met à la place du manager, on imagine bien que, malgré toute sa bonne volonté, faire face à ce type de posture est loin d’être agréable et aisé. Et qu’il y a de grandes chances que l’entretien ne se déroule pas dans les meilleures conditions.
Il est important de rappeler que, un entretien c’est une conversation à deux, entre adultes, avec du discernement et de la prise de recul, dans un objectif commun de créer de la valeur, c’est-à-dire d’accompagner le développement de la performance du collaborateur et donc de l’entreprise.
Et qui dit conversation, dit écoute, dit dialogue… et non joutes verbales ou monologue ou mutisme.
Si cet entretien est bien mené par les deux parties il apporte une grande valeur. C’est un moment de confiance, d’analyse de la période passée, de réflexion constructive d’amélioration continue.
C’est aller à la rencontre de l’autre, l’accompagner dans son développement.
Resituer la contribution du collaborateur aux objectifs de l’équipe et de l’entreprise permet de donner du sens à son investissement.
Réaliser des feedbacks objectifs et constructifs permet le développement de l’individu et de la performance. C’est aussi le meilleur moyen de signifier son attention à l’autre puisque vous avez pris le temps d’observer et d’accompagner. C’est cela la reconnaissance de l’autre.
Ce n’est pas forcément une reconnaissance pécuniaire qui est attendue par les collaborateurs. Sauf en cas de forte motivation sur des objectifs individuels qui y sont indexés.
Les collaborateurs et les managers, comme tous les êtres humains ont un souhait de développement et d’accomplissement. La pyramide de Maslow nous l’a appris, et les jeunes générations nous le rappelle tous les jours !
Comment faire pour que le salarié s’investisse dans cet échange ?
Le collaborateur trouvera aussi satisfaction dans ces entretiens s’il se responsabilise, le prépare, analyse objectivement ses résultats comme nous l’évoquions, et envisage l’entretien comme une conversation, avec lui aussi la capacité à réaliser des feedbacks constructifs (et non des reproches) à son manager.
Collaborateurs et managers sont co-responsable de la réussite de ces entretiens.
Pour avoir ce type de posture adulte, il est nécessaire de dépasser les irritants et interprétations émotionnelles sur les actions & mots de l’autre, de dépasser les raisonnements piégeant qui nous amènent à des conclusions hâtives et des postures pas efficaces.
En clair, il est nécessaire aussi pour le salarié de prendre du recul à froid pour se refocuser sur la finalité, l’objectif de l’entretien.
Un entretien annuel réussi ce n’est pas « j’ai gagné sur l’autre », ça ce n’est pas un entretien, c’est un combat.
Lors d’une situation relationnelle dégradée avec un collaborateur: comment aborder l’entretien ?
C’est ce que nous évoquions sur le « combat ». C’est sûr que dans ce cas-là, l’entretien n’est pas envisagé avec sérénité ! Cela est très difficile d’avoir une conversation objective si les émotions sont présentes et la relation est dégradée.
Comme nous le disions, le socle confiance, et la sécurité psychologique des 2 parties, sont clés pour réussir ces entretiens.
Par conséquent, ce n’est pas au moment de l’entretien annuel qu’il faut se poser des questions sur cette qualité relationnelle, c’est au fur et à mesure de la relation, et c’est sans attendre qu’il faut assainir la relation pour éviter que les irritants se multiplient et s’enkystent.
Dans ce cas, je conseille d’avoir en amont un échange pour réparer la relation.
Qu’en est-il d’évoquer les aspects salariaux ?
De nombreuses d’entreprises ont mise en place une stratégie, qui consiste a réaliser des entretiens qui n’évoquent pas les aspects salariaux. Elle permet de réaliser un entretien de développement sans être focusé sur cet enjeu émotionnel, qu’est l’argent.
Par contre, cela est assez cohérent que les aspects salariaux soient liés au bilan réalisé lors de l’entretien annuel.
De plus, il est important que le collaborateur puisse connaître les attendus et critères de performance qui justifieront une augmentation/bonus l’année suivante ;
Puis, que l’entreprise respecte sa part du contrat si le collaborateur a rempli les conditions, ou qu’il puisse y avoir une discussion objective et transparente sur ce qui définit le salaire/bonus/augmentation dans l’entreprise compte tenu de son contexte.
Qu’en est-il de la périodicité annuelle ?
L’entretien annuel est une conversation. Pourquoi n’avoir une conversation sur la valeur ajoutée et la collaboration qu’une fois par an ?
Un bilan, un arrêt sur image formel 1 fois par an est le minimum.
Mais effectivement, il est important d’avoir des échanges plus régulièrement. Cela fait partie des bonnes pratiques relationnelles, mais aussi managériales pour permettre l’amélioration continue.
Dans nos contextes économiques, de plus en plus incertains, volatiles, complexes, il est de plus en plus difficile de faire des prévisions fines à horizon 1 an ; Il n’est pas rare que des contraintes externes, impactent la définition ou l’atteinte de l’objectif fixé.
Il est donc crucial de faire un point à mi-étape pour se réaligner et maintenir le cap de la performance.
Et autre cas, si vous avez en management direct 15 collaborateurs, ces entretiens sont souvent vécus comme « chronophages ». Mais si ces échanges et feedbacks constructifs sont réalisés au fil de l’eau lors des points opérationnels, ce sera d’une certaine façon plus léger car moins concentré dans le temps, et la confiance sera installée. Il y aura alors moins de stress à découvrir ce que va dire l’autre partie, et les 2 parties pourront être co-rédactrices du compte rendu.
Donc les entreprises peuvent avoir un intérêt à repenser la périodicité de cet entretien.
Quelle version d’entretien les TPE/PME pourraient-elles instaurer qui serait un vrai plus pour elles ?
Tout d’abord, mettre en place ces entretiens, c’est montrer aux salariés qu’on les reconnaît, qu’on a de l’attention pour leur développement et leur performance, et que donc, si on leur consacre ce temps, c’est qu’ils ont une vraie valeur pour l’entreprise.
De plus, le formalisme ne doit pas être forcément lourd. Cela n’est nécessaire, que dans les grosses structures dans lesquelles la gestion des carrières, des mobilités et des talents est de facto complexe.
Pour une PME/TPE, ce qui compte c’est d’expliquer le sens de ces entretiens, leur finalité.
Puis, de définir une trame d’échange qui soit simple et la même pour tous les entretiens : les objectifs de l’année, les réalisations, la définition des objectifs de l’année suivante, les moyens éventuels (formation, accompagnement) qui seront mis à la disposition du salarié pour qu’il atteigne ces objectifs. Cela suffit.
Et, cette trame peut être complétée en live durant l’entretien, puis relue/validée par les 2 parties. Comme nous le disions, ce qui compte c’est la conversation et le feedback constructif.
Les clés d’Ajadi
Pour donner envie et réussir les entretiens annuels, 3 clés :
- Envisager ces entretiens comme des conversations avec une intention non pas d’évaluation, mais de développement.
- Co-construire les objectifs et le plans d’actions de développement. Manager et collaborateurs sont co-responsables.
- Prendre du recul sur les causes émotionnelles et éléments contextuels qui peuvent faire que ces entretiens ont perdu du sens, et y remédier. Tout cela n’est pas inné, cela s’apprend. Coach, formateurs et RH sont là pour accompagner collaborateurs comme managers. Cela peut passer par :
- un meilleur savoir-faire dans la fixation d’objectifs,
- la compréhension des éléments motivationnels qui permettent d’améliorer la performance,
- la gestion de la relation et la pratique du feedback constructif.
Cet article est issu du podcast « Les Pratiques du Management », Aurélie Durand répond mensuellement aux questions de Frédérique Roseau, Rédactrice en Chef à la Revue Fiduciaire.